Entretien du Katana
 
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Depuis que les forgerons ont réussi à fabriquer de l'acier, ils se sont heurtés à un dilemme : obtenir des lames résistantes aux chocs, donc élastiques, ou bien des lames dures qui conservent leur affûtage, mais qui cassent. Les aciers élastiques sont souples mais faute de dureté se désaiguisent rapidement. C'est parce qu'en Europe on n'a pas réussi à solutionner cela qu'est né l'escrime, une technique à base de coups de pointe, dans laquelle il n'est pas utile d'avoir des armes qui coupent.
 
Au Moyen-âge, les chevaliers mettaient en œuvre des épées fort lourdes, qui servaient à faire tomber le chevalier empêtré dans son armure. Ensuite on le tuait d'un coup de pointe en passant par ce qu'on appelait les "défauts de la cuirasse". Pourtant les Hindous avaient résolu le problème avant l'ère chrétienne, en réussissant à forger le "wootz", ancêtre du damas. Il s'agissait de mélanger intimement deux types d'acier sur toute la largeur de la lame. Les Mérovingiens, Carolingiens et Vikings l'utilisaient déjà, avant qu'il ne disparaisse en Europe vers l'an 1000. Un siècle plus tard, les Croisés le redécouvriront face aux armées islamistes, qui lui donneront sa réputation d'invincibilité et son nom moderne. Les forgerons japonais aussi s'étaient inspirés du "wootz" indien et contribuèrent à perfectionner leur savoir au cours des siècles. A l'inverse des Occidentaux qui portèrent leurs efforts sur les armures, les samouraïs vont porter l'art du sabre à sa quintessence et développer un escrime de coupe (ou de taille), le kendo. Les chevaliers portugais vont en faire la douloureuse expérience lorsqu'ils tenteront de débarquer au Japon. Les sabres japonais entaillaient les armures des Portugais et les armes à feu elles-mêmes. Une anecdote nous est parvenue : un samouraï trancha net le canon d'une arquebuse forgée à Vittoria en Espagne avec un sabre forgé par la famille Masamune. C’est Masamune, surnommé le « Maître Katana » qui vers 1300 avait le premier réussi au Japon à résoudre les deux dilemmes techniques auxquels tout le monde était confronté, à savoir qu’une lame trop dure était fragile aux chocs (faible résilience) alors qu’une lame résistante aux chocs (ductile) perdait rapidement son pouvoir coupant.
 

Le IAÏTO est un sabre d'entrainement qui ne possède pas les mêmes qualités qu'un SHINKEN (sabre tranchant) signifiant épée divine (神剣). Un IAÏTO possède une lame légère, bien équilibrée et souple. Elle n'est pas forgée mais moulée et constituée d'un alliage de zinc et d'aluminium ou de zinc et de bérylium. On ne peut donc pas parler de "fabrication traditionnelle". Normalement l'alliage zinc-aluminium ou zinc-bérylium ne nécessite pas d'autres entretiens qu'une mince couche d'huile. Cependant, le rituel du nettoyage du katana fait partie de l'enseignement de l'art et le soin apporté "comme sur un vrai" ne fait pas de mal, ni au sabre, ni au pratiquant. Il permet en outre de vérifier le bon état de l'arme.
 
Alors comment faire pour entretenir sa lame et plus particulièrement son sabre ?
 
Il faut d'abord se procurer un kit d'entretien. Ce kit comprend au minimum de l'huile CHOJI, un UCHIKO et du NUGUI-GAMI. Il peut être complété par un MEKUGI-NUKI et par un KATANA-MAKURA. Une petite peau de chamois peut compléter ce kit.
 
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katanaL'huile CHOJI (huile de girofle) est un mélange de 99% d'huile minérale et de 1 % d'huile de trèfle (pour l'odeur). L'utilisation d'huile de trèfle pure peut entrainer l'oxydation de l'acier.
 
katanaLe UCHIKO est l'instrument qui ressemble à une grosse sucette. Il s'agit d'un petit sac de tissu contenant de la pierre à polir en poudre.
 
Le NUGUI-GAMI est un papier de riz très fin.
 
katanaLe MEKUGI-NUKI est un petit marteau en bronze utilisé pour ôter les MEKUGI et libérer la lame de la TSUKA.
 
katanaLe KATANA-MAKURA est un petit coussin servant à déposer la lame du sabre. On peut par exemple utiliser un rouleau de paille de riz qui a servi au TAMESHIGIRI).
 
 
L'entretien se déroule traditionnellement en SEIZA, sur le tatami.
 

Attention : La lame de katana est extrêmement aiguisée (particulièrement les véritables sabre) et peut causer des blessures graves. Assurez-vous que le tranchant de la lame ne soit jamais positionné de façon dangereuse pour vous ou pour autrui. Si vous avez besoin de prendre la lame en main, soyez extrêmement prudent et portez des gants de protection si possible.
 

Le but principal d’un katana bien entretenu est de faire en sorte que l’acier de la surface ne s’oxyde ou ne rouille pas. Il est nécessaire d’enlever l’huile usagée minutieusement pour la remplacer entièrement par de l’huile neuve.
 
Sortez le sabre de la SAYA et saisissez-le de la main gauche par la TSUKA en tenant la lame vers le haut (le dos de la lame vers soi).
 
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Assurez-vous que le tranchant de la lame soit loin de vous et manipulez-la précautionneusement pour éviter toutes blessures. Premièrement, utilisez une feuille de papier de riz (NUGUI-GAMI) incluse dans le kit de nettoyage pour ôter l’huile de l’entretien précédent. Commencez à la base de la lame, placez le papier nettoyant sur le dos de la lame et pliez-le en deux pour envelopper tout le tranchant. Serrez légèrement le papier entre le pouce et l’index pour entourer la lame par le haut.
 

Soyez particulièrement prudent lors de cette opération. Dans le cas où l’huile ne partirait pas aisément, un coton ou une gaze imbibée de benzène ou d’alcool pur peut être utilisé de la même manière.
 
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Une fois l’huile ôtée, utilisez la balle de poudre (le UCHIKO) en le tenant par son manche de la main droite. Puis tapotez légèrement le long de la lame et sur les deux faces. Le UCHIKO dépose une fine poudre qui polit la lame et qui absorbe l’huile de CHOJI. Ensuite, utilisez une feuille de NUGUI-GAMI pour ôter précautionneusement la poudre et pour polir la lame. Répétez jusqu’à ce que les 2 côtés de la lame soient polis et que l’huile et la poudre soient enlevées. N’inhalez pas la poudre.
 
Cette opération terminée, appliquez quelques gouttes d’huile CHOJI le long et de chaque cotés de la lame. Utilisez alors une nouvelle feuille de NUGUI-GAMI ou un chiffon en coton pour étaler l’huile régulièrement sans excès sur toute la superficie de la lame. On peut aussi verser l’huile de CHOJI sur le papier de riz et étendre l’huile sur la lame.
 
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Assurez vous de ne pas toucher la lame avant de rengainer dans la SAYA.
 
Cette opération ne doit pas être effectuée trop souvent car elle peut nuire à l'éclat du polissage de la lame.
 
Rangez toujours votre katana horizontalement avec le tranchant vers le haut.
 
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Si on désire pousser l'entretien un peu plus loin ou qu’il soit nécessaire de procéder au remplacement de certaines pièces (TSUBA, MEKUGI, SEPPA, HABAKI). Il faut alors procéder au démontage de la TSUKA.
 
Pour y parvenir sans détruire son sabre, il faut d'abord ôter le(s) MEKUGI (cheville de la poignée) à l'aide du marteau en laiton (MEKUGI-NUKI) inclus dans le kit nettoyage qui est utilisé comme marteau et comme chasse. Vérifiez en examinant attentivement pour déterminer dans quelle direction pousser les chevilles. On peut ainsi récupérer le MEKUGI. C'est cette pièce qui retient le NAKAGO dans la TSUKA. On peut donc aisément comprendre son importance.
 
Une fois que vous avez enlevé les deux chevilles en bambou, saisissez le katana avec la main gauche tenez le en position verticale. Assurez-vous de garder le côté tranchant loin de vous.
 
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Utilisez alors votre main droite et tapez votre poignet gauche légèrement pour détacher la poignée de la lame. Attention de ne pas taper trop fort sur votre poignet gauche avec votre main droite, car il y a risque que la lame bondisse hors de la poignée en cas de coup trop fort. Pour désolidariser la TSUKA du NAGAKO on peut utiliser si besoin un marteau et une cale en bois.
 
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Il faut ensuite remonter le sabre. Sur la lame nue, on commence par engager le collier de la lame (HABAKI) dans la soie (NAKAGO) jusqu’à ce que cela s’ajuste parfaitement contre l’encoche. Ensuite, on place une rondelle (SEPPA), la garde (TSUBA) puis la seconde rondelle (SEPPA) avant d'engager le tout dans la poignée (TSUKA).
 
Saisir la poignée (TSUKA) avec la main gauche et tenir le katana position verticale.
 
Assurez-vous de garder le côté coupant loin de vous. Tapez le bout de la poignée vers le haut avec votre paume droite pour assembler fermement l’ensemble. Insérez le(s) cheville(s) (MEKUGI) pour maintenir la poignée (TSUKA) à la lame.
 
Un MEKUGI neuf est remis en place à l'aide du MEKUGI-NUKI. La mesure est prise à l'aide d'un repère, il est alors ôté et coupé à la bonne dimension avant d'être définitivement mis en place.
 
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Vous pouvez utiliser un maillet pour assurer un meilleur assemblage. Pour plus d’assurance, serrez la poignée avec un chiffon pour protéger le pommeau.
 

Attention: ne jamais toucher la lame avec vos doigts. D'une part, la lame est très tranchante, vous pourriez vous blesser, d'autre part, la graisse des doigts pourrait endommager la lame.
Ne tentez pas non plus d'affûter la lame vous-même! Pas de papier de verre, ni de meule.
Un conseil: ne pas enlever la rouille au niveau du NAKAGO. C'est ce qui permet de dater le sabre et de donner de la valeur à la lame.